meinetwegen

tentative de rattrapage, espace d'exploration, d'échange et d'expérimentation, tout par la langue, rien que la langue, slurp.

21 September 2006

The Köln Concert - Part IIb

Dix doigts. C'est normal. Dix doigts. Tout ce qu'il en fait. Les miens sont gourds. Ou gauches. Même les droits. J'aime quand ça sautille. Du grave à l'aigu. Il y revient toujours. Avec dix doigts. C'est normal. Mais pas pour moi. Même le surplace est plus joli. Avec dix doigts. On rebondit. On sursaute. On sautille. J'aime quand ça sautille. Ce n'est pas vraiment du surplace. On avance un petit peu, sans en avoir l'air, on rebondit de quelques millimètres, la répétition nous pousse, on sautille. On gambaderait presque. Lui gambade. Avec dix doigts. C'est normal. Mais pas tant que ça. On est guilleret, on sautille avec lui. C'est nouveau et c'est bien. Et puis très vite, ça ne l'est plus, normal. Il va trop vite, on sautille mais on se tordrait presque les chevilles, ça dégringole à nouveau, attention à ne pas glisser. Il sait le danger qu'il y aurait. A piétiner. C'est pour ça qu'il sautille, de nouveau sur place. Surplace sur place sur place sur place, avance, bouge, non sur place. On voudrait le pousser maintenant. Allez, c'est bon.
C'est toujours comme ça avec dix doigts, c'est normal. C'est trop tard pour lui donner des conseils. Il semble savoir ce qu'il fait. Il le fait bien, d'ailleurs. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire tout à l'heure. Mais c'est normal. Moi, j'essaye parfois. Avec deux doigts, comme ça. Mais ça ne donne jamais ça. C'est normal aussi. C'est dommage mais c'est normal. Avec les dix doigts, j'aimerais bien, ça par exemple, j'aimerais bien le faire, ça n'a pas l'air si compliqué. Quand on le voit. Avec ses dix doigts. C'est peut-être facile. J'aimerais bien. J'aimerais tellement. Toucher cela du bout des doigts. Y arriver. Moi aussi. Comme ça. C'est sûr que ça prend du temps, là, pour faire ça, il a crié, tu as entendu, il a crié, si si. Oui, ça prend du temps, si facile à regarder. Je ne sais pas combien de temps il me faudrait pour faire ça. Avec les deux mains. Donc mes dix doigts. Ou alors par petits bouts. Par petites touches. Touche à touche. J'aimerais vraiment. Que tu sautilles. Que nous sautillions. Avec mes dix doigts. Il s'est arrêté. Comme s'il avait entendu. Comme si. Tu crois. J'ai cru qu'il allait me laisser la place. C'est ridicule. Je l'ai vraiment cru. J'ai eu un frisson d'une seconde. Et puis non. Il a recommencé, plus calme, moins facile. C'est normal. Il ralentit. Silence. Silence. Silence. Ça y est tout le monde applaudit. Moi aussi. Avec les dix doigts bien sûr. Bien sûr. C'est normal.

14 September 2006

The Köln Concert - Part IIa

La cadette. D'un jour. Tout ce qui semblait pesant avec l'autre est aujourd'hui plus léger avec toi. Un jour vous sépare. A l'époque une éternité. Toujours l'hiver pourtant. Et quel hiver. Il était donc normal que tu arrives après. Après la première. En deuxième donc. En seconde en l'occurence. La joie de découvrir l'euphorie, de se lancer dans le simple, de ne plus se poser de questions. Comme quoi, ça valait la peine d'attendre. Pour toi d'abord, pour moi ensuite. Pas de doute. A aucun moment. La certitude. Si on en revient aux dates, la tienne a existé d'abord tout en venant après. Je veux dire par rapport à moi. Finalement, si, c'est compliqué. Plus qu'il n'y paraît. Tant mieux, sinon à quoi bon écrire, si tout va bien, si tout est bleu - ah non pas le bleu.
Venir le jour d'après. Un jour trop tard, tout est déjà fini, il n'y a plus d'écho, en tout cas pas là où tu te trouves, et c'est peut-être aussi bien, ça ne te pèsera pas, à toi au moins. Tu n'auras pas à te poser toutes ces questions, enfin pas tout de suite. Ou alors, c'est à cause de moi. Tu n'entends pas ses cris, tu n'entends pas ses notes. Pas un son pour troubler ton sommeil. Moi, je flotte toujours entre deux eaux à ce moment, ce sera plus que du réchauffé, mais souvent c'est meilleur.
C'est donc ça le hasard. Trois cent soixante-cinq jours et cinq milliards d'humains et puis là juste deux, un jour les sépare, deux jours se suivent, deux êtres se suivent. Dans la vie. Dans ma vie. A peu de choses près. Quelques heures donc. L'excitation pour moi. J'aime ces hasards. En général. Mais surtout là. Toi aussi tu y a pris goût. Pas forcément celui-là. Les deux qui comptent. Le plus. Toujours. Aujourd'hui. J'aurais pu faire exprès. Contrôler les papiers. Mais je ne contrôle rien. Rarement. Sinon pas de hasard. Et là, c'est quand même mieux.
La cadette, si on peut avoir une soeur d'un jour de plus. Soeurs pour moi. Par le hasard. Un cordon ombilical aléatoire mais tenace. Deux accrocs au creux de ma main. Indélébiles. Petites cicatrices qui donnent le sourire. Souvenirs qui ne me quitteront plus. A moins de me couper les mains. Et la tête. Alouette. C'est toi qui as gagné. Finalement. Comme quoi le deuxième n'est pas toujours perdant. Une belle victoire. Sans revanche. Un bel esprit. Que des vainqueurs. Chacun sa place. Une place de choix.
Du bonheur, du bonheur, il en manquait hier. Encore un petit peu plus, un tout petit peu, s'il te plait. Là. Voilà. C'est bien, non. C'est tellement bien. Avec toi. Voilà, je l'ai dit. C'est écrit.

11 September 2006

The Köln Concert - Part I

C'est par elle qu'il fallait commencer. Un début à tout, un commencement à ça, elle ou rien. L'attente, l'impatience et la douleur. La sentir venir, ce sera une fille elle leur ressemblera, il en tremble, elle a peur, il est fou de joie, c'est ça c'est ça, ça vient allez courage. Courage de l'amour qui transpire encore mais après qui s'en souviendra. Si elle avait pu le voir à ce moment-là celui qui était déjà son père, si elle avait pu voir tout ça, ce tremblement, cette impatience, elle y aurait peut-être cru mais c'est ce qui lui manquera, ce tremblement, cette impatience, ce qui trahit l'amour au moment où on croit tout perdre où la libération vient d'un cri, la libération du corps qui offre après s'être offert, la naissance cette naissance, un cadeau, les cris de joie. Les pleurs aussi le soulagement et le bonheur, la vie qui bouge entre les doigts, l'épuisement, les larmes qui reviennent, la grimace du sourire et entre tes mains, elle, cette petite chose. C'est une fille. Elle est là maintenant, elle vit et commence à se battre. Elle a de la chance. On le pense on le dit, ils s'aiment, ils l'aiment tout va bien, tout commence bien donc. Plutôt bien. Pas de regrets pour une fois, c'est bien la dernière fois. Elle ne peut pas le savoir. Je le sais déjà d'où j'observe dans le néant qu'elle vient de quitter.
C'est la deuxième mesure, un petit cri pointu déchire tout. Elle est là. Il faut faire avec. Faire avec. Avec ça, avec elle. Rien n'est plus comme avant. Il le dira souvent, elle aussi sur un autre ton. Ils le penseront souvent en même temps mais elle est là, c'est comme ça maintenant.
Un jour dans la vie. Elle accouche, lui tombe un autre a peur, celle-ci s'essouffle à courir derrière. Et tous ceux-là écoutent comme médusés. Un jour ce jour, il fallait bien que ça commence là. Ici ou là. Mais c'est la date, c'est sûr. Il aura fallu vingt ans pour être ici. Se retrouver. Et commencer. Recommencer avec moi, cette fois, mon entrée mon début. Une carte d'anniversaire, une fausse signature. Sa boîte aux lettres déjà. Sans suite sans histoire si ce n'est la nôtre et rien qui ne pouvait laisser présager cela. Ça se dessinait autour de nous, malgré nous. C'était mal parti mais c'était pas plus mal.
Je ne le saurais que tard. Longtemps, c'était juste un jour, un jour voilà. Ça deviendrait le jour d'avant et puis finalement ce jour. Le tirage des dates s'intensifie. Les années passent, les noms s'accumulent. Chaque jour a son histoire. Celui-ci a la sienne pour le monde. Et pour moi. Mais pas depuis longtemps. Il l'a toujours eu sans que je le sache bien. Par elle, par lui, par ceux que je croiserais plus tard.
Ce qui est sûr. Le point de départ de tout ceci. Le point alpha, le lancement, sa naissance. Tout s'est enchaîné comme prévu. Après. D'abord moi. Les autres, le chemin de chacun sans le savoir, sans se savoir. Soixante-seize rien, soixante-dix-sept rien, soixante-dix-huit rien, soixante-dix-neuf rien, quatre-vingts rien, quatre-vingt-un rien, quatre-vingt-deux rien, quatre-vingt-trois rien, quatre-vingt-quatre rien, quatre-vingt-cinq rien, quatre-vingt-six rien, quatre-vingt-sept rien, quatre-vingt-huit rien, quatre-vingt-neuf rien, enfin rien qui ait cette importance, quatre-vingt-dix rien, quatre-vingt-onze rien, quatre-vingt-douze rien, quatre-vingt-treize presque rien, quatre-vingt-quatorze rien. La liste est inutile, c'est plus une preuve, son impatience à lui de quelques heures. Moi c'était plus long depuis le début. Ce serait forcément plus long. De l'attente, rien en regard de ce qui suivrait. On n'attend pas vraiment quand on ne sait pas. C'est après qu'on croit. Avoir attendu. Avoir espéré, avoir prié. Pour que ça arrive. Mais ça on ne le souhtaite pas. Jamais. Ça vient mais on ne le veut pas. Ou après. C'est pourtant vrai. Pour tout le monde. Et pour nous surtout. Pour elle d'abord.
L'hiver dans tout ça. Ce point commun, la liaison depuis toujours - l'hiver et la nuit - comme prétextes à se lancer. Pas mal d'hivers. Comme on l'a vu. Des plus tristes certainement, des meilleurs aussi, des comme on les regrette. Quand la neige a fondu. Quand il fait un peu jour. Mais en attendant, on y est. C'est épais, c'est sinistre, on y pense ça ne change rien. En bien. En pire. Ce serait trop facile de s'en remettre au temps. Là-haut. Déjà que l'autre nous nargue nous piège un peu plus chaque jour. On y vient, on y revient. L'hiver, le soir l'annonce que ça arrive.
Il faudra faire avec, elle sera toujours là, dans un coin de la tête, elle sera mon refrain, une forme de refrain, une lueur qui revient, un refuge pour certains jours - en hiver souvent - la source, la seule source. Voilà pourquoi c'est par elle qu'il fallait commencer. Elle le sait peut-être. Depuis le temps. Si elle le sait, elle ne le montre pas. Elle attend que je le dise. Si je le dis c'est trop tard. Depuis le début c'est comme ça. Elle attend que je me jette. A l'eau. Dans la gueule du loup. La pierre au cou. Dans le vide. Mon vertige vient de là. Je la vois. J'ai peur. Du vide. De tomber. D'y prendre goût. Le goût du vide, de l'eau, de tout ce dont encore tout à l'heure j'avais peur. On ne dira plus le mot fou. Je dégringole. Pour elle. Mais sans elle. On se laisse vite dépasser. Elle d'abord, moi très vite, juste après elle. Une cascade. De mots. De tremblements. De troubles. L'eau trouble, une bonne raison d'avoir eu peur. Jusqu'au refrain. Le semblant de refrain. Qu'elle sera toujours. Sous la plume ou sur l'oreiller. Il bat la mesure avec le pied, nous ne sommes pas les seuls à nous impatienter.
Aujourd'hui pour le monde. Maintenant pour moi aussi. Tu cries. Tu cries sans te douter. Il joue sans te connaître. Il joue pour toi. J'en suis sûr aujourd'hui. Tu ne le sais pas. Lui non plus. Tu cries toujours. Pas assez fort pour l'arrêter. Il joue pour toi. Je suis le seul à le savoir. Mon refrain. Toi. La musique sur laquelle tu es née.

08 September 2006

Une minute en moins - 6e et dernière partie

C'est maintenant la rage qui anime Georges Meunier alors qu'il monte les escaliers aussi vite qu'il le peut vers son appartement. En proie à une violence dont il n'est pas coutumier, il claque la porte d'entrée derrière lui et va directement dans la chambre à coucher. Le réveil indique désormais 11:23. C'est impossible, se dit Georges, je ne suis pas sorti si longtemps, c'est donc... sans finir sa phrase intérieure, il s'empare du réveil, tire sèchement sur la prise et se rue dans la cuisine, l'appareil sous le bras. Il rassemble toutes les horloges, pendulettes et réveils qui se trouvent dans l'appartement, dégrafe sa montre et les entasse sur le sol en tommettes rouges de la cuisine. Nous avons donc un coucou suisse, un réveil à aiguilles offert par une grande maison de vente par correspondance, deux montres, une pendulette et deux cadrans. Et bien sûr, le réveil Philips tristement connu de nos lecteurs. Georges ouvre ensuite sa vieille trousse à outils et en sort un gros marteau. Avec toute l'énergie qui est encore la sienne après ce début de matinée inédit, Georges Meunier lève la masse bien au-dessus de sa tête et commence à broyer tous ces chefs d'oeuvre de la mécanique horlogère dans un grand fracas. Les éclats de verre sautent, ricochent, le plastique craque, les ressorts volent, Georges siffle des bronches, éructe, jure entre ses dents, ricane d'un rire bestial. On ne peut que se féliciter de l'absence de témoins dans cette scène pathétique. Très vite, le sol de la cuisine est recouvert d'une épaisse couche de débris mêlés. En relevant la tête, Georges aperçoit la minuterie de sa gazinière et d'un violent coup de reins il envoie le marteau dans le cadran de celle-ci qui se brise immédiatement. Tout poète amateur de promenade en barque aurait formulé la chose dans un vers inoubliable, Georges Meunier, lui, préfère l'action et suspend le temps à grands coups de marteau.
Mais à quoi bon tout ce vacarme et cette violence, Georges ? Vous permettez que je vous appelle Georges ?
Ignorant notre interrogation, Georges Meunier, le marteau à la main et les larmes aux yeux (il a dû recevoir quelques particules minuscules projetées dans toutes les directions) prend conscience de l'ampleur vaine de son geste : il ne pourra pas continuer ainsi à détruire tout instrument de mesure du temps. A moins d'arracher les montres des passants, de brûler les bijouteries, de mitrailler les horloges de gare, de faire sauter l'horloge parlante... autant d'actions difficiles à mettre en place de manière isolée. Alors à quoi bon tout ce vacarme et cette violence, se demande-t-il, en prise soudaine au doute et se décidant enfin à réfléchir à la question que nous lui avons posée... Malgré toute la fougue qui l'a portée depuis quelques minutes, Georges Meunier n'est et ne sera pas un héros. Il ne peut agir contre le temps, même si celui-ci se met à accélérer. Ce n'est qu'un petit facteur retraité, voilà tout. Il se laisse alors tomber sur une chaise de la cuisine, face au désordre et au chaos qu'il a généré dans son intérieur propret. Les larmes coulent, et cette fois ce n'est plus seulement la conjonctivite mais bien l'effondrement, l'abandon, le désespoir qui s'expriment. Georges Meunier, à cet instant précis dont il ignore l'heure - il aurait fallu réfléchir avant de tout casser - prend toute la mesure de la médiocrité de sa vie, que nous avions tous cernée dès la deuxième partie de cette triste fable. Tout ça pour ça, sanglote-t-il d'une voix anormalement aiguë. On pourrait presque le prendre en pitié et s'attarder à le réconforter, mais voilà, entre temps, il est midi, et midi, c'est l'heure du déjeuner. (Fin)

panne d'interactivité...

Bon, le temps imparti est maintenant écoulé et vu les propositions fantasques et privatejokesques émanant d'une seule et même personne à qui je concède l'anonymat, j'ai décidé, plein de regrets, de publier directement la vraie fin. Mais je relancerai très bientôt une petite session interactive en espérant que vous serez nombreux à vous jeter dans la gueule des piapias...

01 September 2006

Une minute interactive


Qui dit blog, dit nombrilisme démagogique (mais non, je ne vais pas adopter le ton de l'ami Zantrope), alors voici un petit jeu pour vous amis lecteurs.
Vous suivez assidument les aventures de Georges Meunier depuis quelques semaines. Ces aventures, je ne vous le cache pas, touchent à leur fin. Certains ont déjà décelé un certain essoufflement de l'auteur, qui, faut-il le rappeler, est asthmatique.
Aussi, pour pimenter le tout et relancer la machine infernale avant de passer à un tout autre type de fiction spontanée, voici ce que je vous propose.
Le dénouement de l'histoire est arrêté mais je vous le réserve pour plus tard.
En commentant ce message (je rappelle qu'il s'agit de vous exprimer dans les piapias ci-dessous), vous allez pouvoir suggérer un scénario de fin pour la sixième partie de "Une minute en moins" que je m'appliquerai à rédiger en respectant le ton initial. A vous donc de proposer votre fin en quelques mots et vous pourrez ensuite lire son développement. Vous avez donc une semaine pour me soumettre dans les piapias vos idées, et ensuite nous verrons bien...