meinetwegen

tentative de rattrapage, espace d'exploration, d'échange et d'expérimentation, tout par la langue, rien que la langue, slurp.

23 Januar 2009

Stadtmonolog 4

J'aurais pu parler. Depuis le début. Je vois tout. J'entends presque tout. J'aurais pu tout dire, tout rapporter. Exactement comment ça s'est passé. Je suis bien placée pour le savoir. Comment c'était. Ce qu'ils ont fait. Ce qu'ils se sont dit. Et puis tout ce qu'on ne sait pas. Moi, je le sais. Mais je l'ai gardé pour moi. Pas envie de faire comme eux. La honte surtout. De les voir tous devenir comme ça. Si facilement corruptibles. Par peur. Qu'il leur arrive quelque chose. Qu'on les dénonce à leur tour, pour ce qu'ils ont pu penser à un moment ou un autre. Que l'on pourrait utiliser contre eux. Mentir pour se protéger. Dénoncer pour ne pas avoir à trop en dire. Pas avoir soi-même à se justifier. J'ai tout vu. Cela. Des deux côtés. Je suis bien placée pour savoir. Qui est fautif. Qui ne l'est pas. Mais je le garde pour moi. Je voudrais me laver de tout ça, oublier ceux-ci, réhabiliter ceux-là. Montrer les vrais visages, démasquer les traîtres et faire que tout éclate au grand jour. Qu'ils se pardonnent. Qu'ils se réconcilient. Je suis la seule à savoir. La vérité. La vérité de mes habitants.

20 Januar 2009

Stadtmonolog 3

Ostkreuz. Silhouettes suspendues, dans les fumées, marionnettes pendues par les pieds vers le haut. L'attente, toujours. Je me serais cachée pour mieux les voir. Toujours debout. L'attente. Avant le mouvement. Toujours le même. Deux pas en avant. Un de côté. Et deux en diagonale, vers l'avant. Puis plus rien. Tout est désert. Arrive déjà le premier. Les suivants sont à leur place, prennent leurs marques sur le perchoir et se figent comme à l'instant les autres. Ils forment la même guirlande, à quelques détails près. Tels les étourneaux sur un fil électrique, les pinces sur la corde à linge. L'attente à nouveau. Quand arrive la machine. Deux pas en avant. Un de côté, presque pour tous. Puis la fin du parcours. Disparus. Un temps. Suspendu. Ils arrivent par la gauche. Marionnettes toujours changeantes, chair à canon en temps de paix. Victimes consentantes de cet enlèvement, ne répondant qu'aux injonctions de monter. Le haut-parleur résonne avec la hauteur. J'entends d'ici toutes les directions, les consignes, les horaires. Ils s'en vont. Après avoir attendu. Pour que d'autres puissent attendre à leur tour. Un coup à gauche, un coup à droite. S'entassent, se suivent ou se bousculent, dès que le mouvement revient. Mais avant, toujours l'attente. Et l'immobilité. Ribambelle de cadavres. Qui ne le savent pas. Qui ne se doutent de rien. Mais aujourd'hui, il n'arrive plus rien de cet ordre.

15 Januar 2009

Stadtmonolog 2

La greffe a pris, il reste des traces, des marques, ça ne marche pas du premier coup – ça ne peut pas marcher tout de suite. Rome avait ses jumeaux pour la créer, on faisait de moi deux jumeaux qu'on séparait de force, deux siamois. Siamois par le mur. On nous manipulait, nous gavait, artificiellement, on essayait de faire de nous deux adultes, de nous dresser l'un contre l'autre, frères ennemis, sœurs rivales, alors que nous étions la même. La naissance du chaos avait été difficile. Nous nous retrouverions, nous reviendrions une, indivisible, deux yeux au milieu du visage, un qui cligne quand l'autre rit, deux qui pleurent le même passé, pleurent de joie au moment des retrouvailles, cellules reconnectées, artères reliées, cœur reconstitué, sauvé, régénéré. Une vie réinsufflée sans le temps de l'anesthésie, qui a duré si longtemps et permis d'endurer toutes ces interventions chirurgicales, initiées par des charlatans qui jouaient avec mon corps comme pour une leçon d'anatomie, un grand sabbat d'apprentis sorciers.
Me revoici une, recousue de toutes parts, rafistolée et rustinée mais une, le cœur bat, les yeux voient, je recommence à respirer. Plus de plâtre sur les fractures. La greffe a pris, je vais de nouveau pouvoir grandir, malgré les cicatrices, on me désirera.

10 Januar 2009

Stadtmonolog 1

J'ai beau gratter avec les ongles, je n'arriverai pas à l'user, à l'abîmer d'avantage.
Je ne veux pas que ce soit les autres qui le fassent avec leurs outils, ou tous ceux là que je ne connais pas, je veux gratter moi-même, juste là, au niveau de la croûte, tant pis si ça doit suppurer, tant pis si ça dure, si ça met des mois à guérir. Je veux y arriver seule, et gratter jusqu'au sang, que tout ça s'infecte, que plus rien ne soit comme avant. Un empoisonnement que je m'inflige à moi-même pour prendre de court toutes les intoxications qu'on me destine. Laissez-moi gratter seule, laissez-moi m'y user, à force, il tombera, il n'en restera plus rien. Juste la marque, qui ne cautérise pas, que je refuse de faire disparaître. Je veux l'enlever, mais ça doit rester, une trace de ce que j'ai enduré, ma mutilation volontaire, un exemple, une menace. Le tout bien endommagé.