meinetwegen

tentative de rattrapage, espace d'exploration, d'échange et d'expérimentation, tout par la langue, rien que la langue, slurp.

23 Oktober 2009

Stadtmonolog 7

Là, il n'y avait rien. Mais vraiment rien. Sur des mètres. Je t'assure. C'était un immense terrain vague. Tout avait été détruit, au moment de la guerre, et on n'a rien reconstruit, c'est resté en friches comme ça, plus de quarante ans. Ça fait sourire maintenant que tout est reconstruit, si imposant, si clinquant, chaque centimètre carré est exploité sur des dizaines de mètres de hauteur, mais avant, y avait vraiment rien. Une langue de terre le long du mur, avec les miradors et tout, le no man's land, c'est ici qu'on le voyait le mieux. Alors que c'était si rempli, si vivant avant. Oui, un peu comme maintenant, sauf que là c'est surtout les groupes de touristes qui viennent consommer, des glaces, des chaussures, des saucisses, des fringues, mais avant ça vivait vraiment, avec les cafés, les théâtres. Et puis après plus rien. Jusqu'à ce que les grues s'emparent de ce terrain et le colonisent pendant des années, fassent sortir de terre cette ville inventée, ce fantasme d'architectes, sans lien avec le passé, avec l'histoire, toujours plus grand, plus élancé, plus plus. Oui, c'est pas mal, mais pourquoi avoir attendu tant de temps pour faire ça. C'est un peu froid, je trouve. Ça manque d'humanité. D'accord, c'est toujours plus humain qu'un désert avec des miradors et des patrouilles, mais on aurait pu… je ne sais pas… faire autrement… garder l'âme, ou ce qu'il en restait… s'il en restait encore un peu. Ici, on pourrait être n'importe où. Or, c'était un endroit unique, inclassable, pendant si longtemps, même par son chantier… Tu me trouves amère, c'est ça ? Oui, sans doute, l'amertume fait aussi partie de tout ça.