Journal de celui qui est parti – 13
Je pense encore à eux. Dès que je suis seul. J'ai toujours un petit coin de mon cerveau qui me demande si j'ai bien fait. Le reste de la journée, avec H. à mes côtés, sa bouche dans mon cou ou sa peau contre la mienne, la question ne se pose pas. Mais dès que je suis seul, je regarde ma montre et je calcule quelle heure il est chez eux. À partir de cette première question, défilent toutes les autres. J'arrive toujours à arrêter assez vite le cours de mes réflexions, sauf la nuit. Les premiers jours, je n'osais pas en parler à H. Par crainte qu'elle doute de moi. Après l'autre nuit où je me suis réveillé, affolé, où elle m'a tranquillisé, j'ai eu besoin de le lui dire. Elle m'a dit que c'était la même chose pour elle. Seuls changent les noms des personnes. Elle ne connaît pas les miens. Je ne sais presque rien des siens. Nous ne sommes là que pour nous. Après cette nuit, après s'être promis de ne pas se décourager, de ne pas fuir, de ne pas renoncer, nous avons décidé, comme par jeu, de se raconter chaque soir une personne qu'on a quittée. Un soir sur deux, c'est elle qui raconte. Les autres soirs, c'est à moi. J'ai commencé par M. Pour ne pas avoir trop de mal à en parler. Elle m'a parlé de son frère. J'ignorais qu'elle en avait un. La deuxième règle de ce rituel est que nous ne disons aucun prénom. Juste une initiale. Il s'agit d'une autre vie. Ces prénoms s'inviteraient dans la nôtre. Le frère d'H. s'appelle R. Il avait l'air d'être quelqu'un de bien. Mais il ne lui manque pas. Pas plus que M. ne me manque. Ce soir je lui parlerai de J., la première fille que j'ai aimée.
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