Journal de celui qui est parti – 12
Tous pensent que je suis parti seul. Personne ne peut se douter du contraire. Personne n'aurait pu se méfier. On ne s'est jamais méfié de moi. J'ai toujours été d'une exemplaire honnêteté. Et pourtant. Pourtant je leur ai tous menti. Je les ai tous dupés. Et personne n'a rien vu. Même pas C. Je suis parti à cause d'un regard. Qui m'invitait à le suivre. Un regard que rien ne pouvait égaler. Deux yeux avec qui personne ne pouvait rivaliser. Deux yeux et tout le reste autour bien sûr. Eux pensent que je suis parti sans. Que je suis parti pour tout quitter. Mais je suis parti pour. Pour H. Pour enfin vivre ce que la vie là-bas m'interdisait. Ce que nous nous étions interdit. Tant qu'il y avait les autres. Ici, c'est différent. Ici, nous ne sommes que pour nous. Sans les autres. Sans tous les autres. Avec H. Rien qu'avec H. Elle vaut tout les autres, tout le reste de ma vie. Un maigre sacrifice pour tout ce que j'ai gagné. Personne ne pourrait le comprendre. Personne n'a rien vu. Pas même C. Elle ne le saura peut-être jamais. H. est partie la première. Apparemment, elle avait moins à quitter que moi. Elle est partie avec ma promesse de la suivre, de la rejoindre. Nous avons choisi la destination ensemble. Nous en rêvions. Séparément et ensemble. Le choix a donc été évident. Elle m'a attendu une semaine, sans avoir peur que je me défile. Elle savait que je ne pouvais lui résister. Elle m'a attendu à l'aéroport, avec son plus beau sourire, guettant mon visage tout confit par le décalage horaire. Deux bagages à main. Ma vie tenait là-dedans. L'essentiel était de l'autre côté de la baie vitrée, dans une petite robe que je ne lui avais encore jamais vue – elle l'avait achetée le matin même, rien que pour moi. Moi. Elle et moi. L'impossible devenait réalité. Dans ce hall d'aéroport où résonnaient les annonces de départ dans un charabia qui se voulait de l'anglais, commençait une nouvelle vie, notre vie. Nous nous sommes enlacés longuement, je la serrais de toutes mes forces, cette nouvelle vie. Nous avons senti les larmes se mélanger sur nos joues. Larmes de joie, les premières après avoir tant pleuré, avant le départ. La veille, j'étais avec les autres dans ce café, au brouhaha familier, à leur réciter le texte que j'avais si souvent répété. En essayant de ne pas trop soutenir leurs regards. L. n'écoutait qu'à moitié, dommage, je comptais sur lui pour me comprendre. Les autres ont dit peu de choses. Je ne leur ai pas parlé de H. La seule raison de tout cela. La seule capable de me faire mourir aux autres. Le temps d'un vol. Un aller simple vers ces deux yeux brillants qui me dévorent de joie. Bienvenue chez nous. Bienvenido mi amor.
2 Vous avez toujours quelque chose à dire :
A 5/11/08 20:00, Bavardage sens dessus dessous sur la culture et la communication, la communication de la culture et la culture de la communication a eu le culot d'écrire
La suite !
(une lectrice haletante)
A 6/11/08 13:12, Yvan Nigelstadel a eu le culot d'écrire
voilà, voilà...
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