meinetwegen

tentative de rattrapage, espace d'exploration, d'échange et d'expérimentation, tout par la langue, rien que la langue, slurp.

09 Dezember 2015

Tu verras, je suis partout

(pour clarisse, par solidarité)

Bing. Un bing sourd, un bing doux. Le rayon de soleil t'a touché le visage, juste au moment où tu passais la porte. Les sons se sont légèrement amplifiés. Des chants d'oiseaux, des cris d'enfants, tout y est. Et ce rayon de soleil d'hiver, qui réchauffe à peine, mais déjà beaucoup. Tu le sens, l'air autour de toi, vif et glacé, celui-là même qui me caractérise. Tu t'arrêtes net sur le trottoir, lève ton visage vers la lumière qui te nimbe et tu fermes les yeux en gonflant tes narines, tu inspires tout l'air que tu peux. Lentement, tu me fais tes adieux. Tu regardes maintenant tout autour de toi et tu marches aussi normalement que possible, pas trop vite, pas trop lentement, tu veux mémoriser ton pas, la progression des images de la rue, ta rue, puisque je te l'ai prêtée pour quelques mois. Comme le long travelling d'une caméra qui n'est autre que toi. La haute porte rouge, les fenêtres décorées, les petits cailloux pour ne pas glisser, le carrefour décalé, les vélos qui filent, tout ça, tu aimerais le garder. Mais c'est à toi maintenant. Tu le sais, je ne peux pas garder tout ça pour moi. J'ai aussi besoin que tu emportes un peu de moi. Là où tu vas. L'autre ville. Je ne t'en veux pas de partir. J'ai l'habitude. On me quitte bien souvent. Mais j'ai cet avantage sur les autres. Les autres villes. Moi, on ne me quitte jamais vraiment. Je sais y faire. Pour qu'on me regrette. Pour leur manquer à tous. Tu verras. Tu le sais déjà. Alors, prends, vas-y, sers-toi. Tout ça est aussi à toi. Tu l'empiles bien au fond de ton cœur, tu collectes les images, les sensations, les sons et les odeurs. Et quand je te manquerai, dans l'autre ville, de l'autre côté de la frontière, quand tu auras peur d'être loin de moi, tu n'auras qu'à fermer les yeux : bing, la haute porte rouge, les rires des enfants, la pie dans la cour le matin, la sonnette du tram, tout ça te reviendra. Tu verras, je suis partout. Partout où tu seras. Pas besoin de m'appeler, tu te rappelleras. Je te l'ai déjà dit, moi, on ne me quitte pas.

09 Oktober 2014

presque

Ça y est, tu y es presque. Si si, retourne-toi. Voilà. Ouvre les yeux. Tu y es presque. Refais le bilan vite fait. Tu verras.
Tu as tout repris en mains. Les touches du piano te rappellent le chemin parcouru. Tu as tout laissé derrière toi. Presque tout. Nouvelle mue, vieilles peaux. Débarrassé les oripeaux. Tes doigts parcourent les touches. Avec le même plaisir que si c'était sa peau. Presque. Seule la mélodie change. Tu pianotes, tu caresses, tu repenses à tout ce que tu viens de laisser. À tout ce qui t'attend encore. Une chance que tu aimes les surprises. Un jour, tu comprendras.
Tes doigts parcourent les touches. Tout réfléchi, tu préfèrerais sa peau. Plus douce que l'ivoire. Plus tendre que ce do. En tout cas, tu souris. Puisque ça y est. Tu sors de l'erreur. La lumière au bout du labyrinthe. Bravo, et tout ça sans fil. Mais tu l'as plutôt bien mérité. Alors, pianote, caresse, touches et peau, souris-leur.

08 Oktober 2014

l'héritière

L'argent ne fait pas le bonheur.

Tu as peur. Peur de ce que tu ne connais pas. Peur. Paralysie. Blocages. Tu as des problèmes, veux des solutions. Tout doit bien pouvoir se contrôler. Presque tout. Même ton coeur. Tu y arrives très bien. Tu ne connais rien d'autre que le contrôle. Les défis toujours dans le contrôle. Toi seule maitresse de ton destin. Maitresse plutôt que femme. 
Tu aspires à ce que tu ne veux pas. Tu donnerais tout pour ça. Jusqu'à ce que tu l'ais. Au fond de toi tu voudrais juste être comme tous les autres. 
Mais non, il n'y a que toi. 
Toi pour être toi. Personne sur qui compter. Tu n'auras toujours que toi. C'est ce qu'on t'a dit. 
Ce que tu as appris. 
Vivre avec toi c'est suffisamment difficile. C'est toi qui l'as dit. 
Tu te poses problème. Tu cherches les solutions. Tu les trouves toujours. Tu vas mieux. Tant qu'il n'y a que toi ça va. Ça tu connais. Tu sens venir les symptômes. Tu les identifies. 
La vie c'est un long diagnostic jusqu'à ce qu'on ne soit plus en état de le faire soi-même juste avant de mourir. D'ici là, que toi. 
Tu es une machine. Tu ne vis pas, tu fonctionnes. C'est toi qui le dis. Ça n'engage que toi mais c'est toi qui t'engages, toi qui fonctionnes. Qui dois fonctionner.
Chaque problème a sa solution. Chaque solution t'aide à fonctionner. 
Pauvre petite fille riche. 
Au fond tu voudrais juste vivre normalement comme les autres, alors tu rejettes la normalité. 
Tu n'y crois pas. Tu ne peux pas y croire, c'est normal. Rien de ce que tu as connu n'était vraiment normal. Tu le sais , tu n'es que le produit, ce produit d'une génération qui a échoué. Tu as été faite à cette image. 
Que toi.
L'argent fera le reste. On peut tout se permettre. 
Le mensonge. Tu le sais et ça te fait souffrir. Si tu pouvais décider du début, tu changerais tout. 
Une famille comme les autres. Un père, une mère. Des frères et soeurs ? Pas forcément. Il n'y aura que toi au bout. La solitude te convient. Tu fonctionnes. Des parents qui t'aiment. 
L'amour est un dysfonctionnement. 
Ce que tu ne peux pas te permettre. Ne pas prendre de risque. Comment savoir si on aime, si on peut aimer ce qu'on ne connait pas. Mais aimer, c'est ne plus penser à soi. Impossible.
Tu peux te passer d'aimer, tellement tu veux être aimée. 
Trop de problèmes dont tu ignores les solutions. Partager des sentiments. Tu ne partages pas. Tu prends tout et tu verras bien si tu peux donner. A ton tour. Pas avant douze mois. Avant tu ne peux pas. Tu ne connais pas. Tu risquerais de te tromper. Tu as ta fierté. On te l'a inculquée. Plus que l'amour. Pas besoin des autres. Tu dois fonctionner toute seule. Pour ne pas être déçue. Tu t'y tiens. 
Au fond tu voudrais être amoureuse, vivre le grand amour, comme d'autres mais ce serait renoncer à être différente jusqu'au bout. Mais au foncd c'est ce que tu voudrais. Tellement que ça fait mal. Tu ne comprends pas pourquoi ça fait si mal.Alors tu pleures. Comme une enfant. Ce que tu n'as jamais été. On t'a privé d'enfance. Tu devais fonctionner. Une trop grande charge sur tes épaules. Depuis le début. Toi qui ne comptes que sur toi, tu dois répondre des autres. 
Tu es une héritière.
A défaut d'avoir été une enfant. 
Tout était là. Tu ne devrais pas te soucier. Mais il manquait l'essentiel. Un père qui te prenne sur ses genoux. Qui te chatouille. Qui te fasse des bisous dans le cou. 
Tout le reste tu l'as eu. A part ça. 
Et savoir ce que c'est l'amour. 
Pauvre petite. 
Pauvre petite fille. 
Pauvre petite fille riche.
Tu pourrais essayer. Tu le fais. Mais c'est trop. Trop nouveau. Trop de sacrifices. Ça ne fonctionne pas. 
Et tu sais au fond de toi, tu sais et tu n'arrives pas à trouver la solution.
Tu seras toujours de ce fait et de ce fait seulement
Tu seras toujours de celles
que l'on quitte.
 

à deux

"Si tu dis à deux, moi je disparais. Je fonds, mais pas comme tu voudrais, je me fonds. Je me dissous et m'évapore. Je ne marche pas comme ça. Tu ne m'auras pas. À deux, c'est sans moi. Un plus un, d'accord, mais pas de résultat, pas d'arithmétique. Pas avec moi. Sans moi, je te dis. Si tu veux faire des sommes, si tu veux faire des maths, trouve-toi une autre. Une sans retenue, sans soustraction, une qui aime les chiffres pairs. Et les paires.
Moi, ça ne marche pas, je veux bien qu'on se voie, mais pas d'addition, pas de toi et moi, pas de nous, surtout pas de nous.
Mais tu n'es pas sérieux, ce n'est pas vraiment ce que tu voulais... Ne me dis pas que tu es comme ça, à faire des calculs rapides, à tout fondre et confondre, à m'ajouter à toi. Il n'y aura jamais le compte. Pas avec moi. Sans moi, oui. Sans moi, tu y trouveras peut-être ton compte. Mais retire ce que tu viens de dire. À deux. Je ferai comme si je ne l'avais pas entendu. Comme si tu n'avais jamais dépassé la ligne. Comme si on s'aimait juste bien. Comme si je n'avais pas à me justifier, comme je le fais, avec des maths, des chiffres et des calculs. Nul. Zéro. Oublie. Un et une, ça ne se mélange pas. Et c'est très bien comme ça. Si tu redis à deux, c'est fini. Moi, je disparais. Et toi..."
Elle ne finit pas sa phrase, se lève et me regarde. Ce n'est pas un sourire, pas une grimace. Elle s'en va, je la perds. Juste parce que j'ai dit ça. Deux mots, cinq lettres et un espace. Je regarde son dos, sa silhouette, son pas précipité. Une de perdue. Combien à retrouver ?


01 November 2012

vous montez ?

j'avais envie de dire, c'est drôle le hasard : vous ici, juste au même moment où, comment dire. vous montez ?

23 Oktober 2009

Stadtmonolog 7

Là, il n'y avait rien. Mais vraiment rien. Sur des mètres. Je t'assure. C'était un immense terrain vague. Tout avait été détruit, au moment de la guerre, et on n'a rien reconstruit, c'est resté en friches comme ça, plus de quarante ans. Ça fait sourire maintenant que tout est reconstruit, si imposant, si clinquant, chaque centimètre carré est exploité sur des dizaines de mètres de hauteur, mais avant, y avait vraiment rien. Une langue de terre le long du mur, avec les miradors et tout, le no man's land, c'est ici qu'on le voyait le mieux. Alors que c'était si rempli, si vivant avant. Oui, un peu comme maintenant, sauf que là c'est surtout les groupes de touristes qui viennent consommer, des glaces, des chaussures, des saucisses, des fringues, mais avant ça vivait vraiment, avec les cafés, les théâtres. Et puis après plus rien. Jusqu'à ce que les grues s'emparent de ce terrain et le colonisent pendant des années, fassent sortir de terre cette ville inventée, ce fantasme d'architectes, sans lien avec le passé, avec l'histoire, toujours plus grand, plus élancé, plus plus. Oui, c'est pas mal, mais pourquoi avoir attendu tant de temps pour faire ça. C'est un peu froid, je trouve. Ça manque d'humanité. D'accord, c'est toujours plus humain qu'un désert avec des miradors et des patrouilles, mais on aurait pu… je ne sais pas… faire autrement… garder l'âme, ou ce qu'il en restait… s'il en restait encore un peu. Ici, on pourrait être n'importe où. Or, c'était un endroit unique, inclassable, pendant si longtemps, même par son chantier… Tu me trouves amère, c'est ça ? Oui, sans doute, l'amertume fait aussi partie de tout ça.

11 Februar 2009

Stadtmonolog 6

Bien sûr, j'en ai vu tomber. Par grappes. Tout au long de ma vie. Si souvent associée à la mort. Et toujours cette étrange sensation que la mort se devait chez moi d'être violente. Si violente qu'on en oublie les morts naturelles. Les hommes m'ont fait la démonstration appliquée, méthodique, patiente de la cruauté dont ils étaient capables. Avec moi. Avec les miens. Ce sont tous les miens. Rien ne semble les avoir découragés. On mourait si facilement chez moi. Ça tombait. Ça tombait bien. Comme des mouches. Comme les bombes. Je n'avais pas d'autre choix que de les ramasser, là, à mes pieds, de les entourer de mes bras, de les veiller une dernière fois, piéta éternelle, condamnée à pleurer chacun de mes enfants foudroyé sous les coups de ses frères. Je pleure encore chacun de vous. Je ne trouverai ni repos ni consolation, tant que je serai là, je le sais. Ce ne sont pas les pansements sur mes plaies qui parviendront à me les faire oublier. Vous méritez tous ce chagrin, je pleure surtout les innocents que je n'ai pas pu sauver à temps, dont les visages sont à jamais imprimés dans chaque recoin de ma mémoire. Le vent bat mes pleurs la nuit dans un sifflement insoutenable, je vous pleure, je crisse, je crie, je ne dormirai jamais, même au cœur de l'hiver, quand la nuit m'enveloppe si longuement et essaye d'étouffer toute clarté sur mes épaules, je continue de vous veiller, je vous énumère, vous compte, vous appelle, vous m'avez faite telle que je suis, vos morts m'ont façonnée, comme aucune autre. Un siècle de douleurs à supporter les yeux ouverts, à ne pas comprendre. J'avais l'impression d'être la cause. De cette haine déchaînée. De cette furie dévastatrice, dont j'ai été la première victime. Et si j'ai survécu à tous ceux-là, c'est sans doute pour mieux m'en vouloir, pour les rappeler aux autres, pour que je ne les oublie pas et que je ne m'endorme jamais.