Journal de celui qui est parti – 11
Les visages dans la rue. Petit à petit, la foule anonyme devient familière. Comme à T. Je ne pouvais plus sortir de chez moi sans croiser ce vieillard, ces fillettes. Au fil des jours, je me crée mon nouveau voisinage. Hier, pour la première fois cet homme que je croise presque tous les matins sur le chemin de la boulangerie, m'a salué. Très brièvement. D'un petit hochement de tête, sans sourire. Pour me montrer qu'il me reconnaissait. J'ai répondu. Dans sa langue. Et ce matin, nous nous sommes salués en même temps. Il doit avoir 45 ans et je le rencontre toujours dans la même rue, plus ou moins loin, il a son journal roulé dans la main droite et avance rêveur, toujours avec une cigarette aux lèvres. Il me faisait une impression triste les premiers jours, mais ce matin il a souri. Qui sait si dans quelques jours, nous n'irons pas jouer aux cartes ensemble au grand café du bout de la rue. J'apprécie de reconnaître des gens ici. De voir que petit à petit, cette ville devient ma ville. Notre ville. J'ai toujours beaucoup dévisagé les gens en me promenant, ce qui m'a parfois attiré des regards désapprobateurs voire de vraies altercations. Je sens bien qu'ici, on est habitué à regarder devant soi et à ne pas croiser le regard des autres. Alors j'ajuste le mien, pour ne pas gêner, tout en regardant quand même. De toute façon, on doit voir que je ne suis pas d'ici. Même si personne ne me regarde vraiment. Je crois qu'ici, on ne s'attarde pas à ces détails. C'est bien. Je ne pouvais pas choisir meilleur refuge. En rentrant, une jeune femme, très belle, à la silhouette envoûtante, me fixe du bout de la rue et me fait un clin d'œil plein de sous-entendu… je l'attrape par la taille et l'emmène vers le grand café. "Vous habitez chez vos parents ?" me demande H. dans un éclat de rire.
0 Vous avez toujours quelque chose à dire :
Kommentar veröffentlichen
<< Home