meinetwegen

tentative de rattrapage, espace d'exploration, d'échange et d'expérimentation, tout par la langue, rien que la langue, slurp.

07 September 2008

Journal de celui qui est parti – 4

J'aurais pu changer de nom. Il paraît que c'est facile ici. Il suffit d'y mettre le prix. Et ici rien n'est vraiment cher. Beaucoup le font, pour officialiser cette nouvelle vie qui commence, une fois arrivés. Moi, je n'ai pas besoin de faux papiers. J'ai montré mon passeport en arrivant, et deux fois ensuite, ça n'intéresse personne de savoir quel est mon nom, surtout que celui-ci est peut-être déjà usurpé. Dans un endroit où tout le monde agit sous pseudonyme, qui peut prouver qu'il s'appelle vraiment comme ça. Je sais que tous respectent mon choix. Ils ne me chercheront pas. Ils savent qu'ils n'en ont pas le droit. C'est à moi de leur faire signe. Le moment venu. Pour l'instant, ils ne pourraient pas me retrouver. En demandant juste de porte en porte, en questionnant la police. Il faudrait soudoyer le service de l'immigration. Aucun d'eux ne le ferait par peur de me décevoir. De me déranger. Jamais je n'aurais cru que disparaître était aussi facile. Aussi normal. Disparaître tout en étant en vie. En restant soi. En changeant juste tout le reste. La vie, l'entourage, le cadre, l'adresse. Je sais qu'il n'y a rien de noble dans cela. C'est plus une fuite qu'une disparition. J'abandonne tous ceux que j'aime. Tous ceux qui m'aiment. Et eux, s'ils sont tristes, inquiets, déçus savent qu'ils ne doivent rien faire contre cela. Contre mon souhait. De disparaître. A leurs yeux. De leur vie. De la mienne aussi. De moi il ne reste donc plus qu'un nom. Celui de mon passeport. Celui que H. murmure en écorchant la fin. Je n'existe encore que dans sa bouche. Personne d'autre ne m'appelle. Personne d'autre n'en a besoin. Moi-même je ne pense plus à mon nom, à qui je suis ou qui j'étais. Je vis chaque instant comme un étonnement, comme une nouvelle trajectoire, toute neuve, où tout est à faire. Ou à ne pas faire. Je peux tout faire. Élever des porcs, m'engager dans la police locale, vendre des vélos, leur apprendre ma langue. Aucun diplôme, aucune école n'aurait pu me donner cela. Cette liberté, cette nouvelle naissance. H. sourit à m'entendre énumérer tout ce que je pourrais faire à présent. Elle a déjà réalisé son rêve. Elle me l'avait confié, quelques temps avant que je parte. Vivre avec toi. Je n'ai pas hésité.

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