meinetwegen

tentative de rattrapage, espace d'exploration, d'échange et d'expérimentation, tout par la langue, rien que la langue, slurp.

04 September 2008

Journal de celui qui est parti – 2

Ce manque n'est pas celui que je devrais éprouver. J'ai tout laissé derrière moi. Sur un coup de tête, je les ai tous quittés, comme ça, du jour au lendemain, alors que je n'avais rien à leur reprocher, j'aurais pu rester, des années sans doute, tout se serait bien passé et eux n'auraient peut-être jamais rien remarqué. De ce qui se passait en moi. Mais je suis parti. J'ai tout laissé. Tous. Et ici, loin d'elle, loin d'eux, je devrais ressentir un manque légitime. Un manque facile à expliquer. Le manque de ceux qu'on aime, qu'on a aimé, qui ont compté plus que tout, jusqu'ici. Un manque naturel. Une sensation physique, le mal du pays, si ce pays c'était eux qui le formaient, eux qui sont ma seule attache. Qui l'étaient en tout cas. Il y a peu. Ce serait donc normal, ce soir, de me sentir seul. De vouloir les retrouver, de penser à ses caresses, de penser à leurs voix. Et pourtant non. Ce manque n'est pas pour eux. Le manque que je ressens comme un poignard acéré dans mon ventre, ce manque c'est toi qui le suscites. Tu me manques. Tu es là, juste à côté. A deux pas. Trois peut-être. Que tu ne sois pas là tout de suite m'est devenu insoutenable. L'instant où tu t'éloignes, où tu repars où le parfum de ta peau devient inaccessible à mes narines. Cet instant vaut tous les exils du monde, toutes les ruptures, tous les déchirements. Une absence dont la violence me coupe le souffle. Une douleur foudroyante. Tant que tu ne feras pas ces deux, trois pas en arrière, tant que tu ne reviendras pas, tant que tu ne toucheras pas du bout de tes doigts le bout des miens que je puisse t'attraper, tant que tu ne seras pas ici, enfermée dans mes bras, m'enfermant dans tes bras. Avec toi, j'oublie le monde. Sans toi, je l'ai oublié.