Il reste - sixième et dernière partie
Je ne voulais pas céder. Par principe. Ce genre de décisions, ça se prend à deux, dans un couple. Ce n’est pas à l’une ou à l’autre de tout arrêter comme ça. Enfin, c’est ma vision du couple. Claire ne le voit pas de la même façon. On était fin janvier, le 29, j’étais tout seul à la maison en début de soirée, je me souviens avoir été en train de préparer mon repas tout en suivant les infos à la télé. Je passais sans arrêt de la cuisine au salon pour voir une image ou surveiller la cuisson de ma tarte. Je ne savais pas quand Claire rentrerait, de toute façon on ne se parlait plus depuis l’année dernière, je devrais dire, elle ne me parlait plus. J’étais bien décidé à partir puisque je voyais bien que, pour elle, il n’y avait pas de retour possible à une situation normale entre nous. J’ai bien cru qu’elle allait faire changer les serrures pendant les fêtes alors que j’étais chez ma mère. Mais non, elle n’a pas osé. Elle a fait pire, ce 29 janvier. J’ai entendu sa clé dans la serrure et j’ai donc regardé vers la porte d’entrée qui n’a fait que s’entrouvrir. Elle n’est pas entrée. Mais j’ai tout de suite senti un frisson de panique quand j’ai vu les deux yeux lumineux qui me fixaient du couloir… J’ai eu juste le temps de m’enfermer dans la cuisine. Elle l’a trouvé son argument imparable, un chat. J’ai jamais pu supporter ces bêtes-là, les bêtes à poil en général. Mais l’idée d’avoir à croiser celui-ci, qu’il puisse se frotter à moi ou mettre ses poils sur mes affaires, j’ai vraiment cru que je devenais fou, barricadé dans la cuisine, je n’ai pas touché à mon repas, pour une fois où je me donnais un peu de mal. Je savais qu’il était là, derrière la porte, qu’il devait inspecter son nouveau territoire. J’ai compris à cet instant que c’était vraiment fini entre Claire et moi, qu’il n’y avait plus à espérer quelque sentiment de sa part. Le fait qu’elle ait mis si longtemps à recourir à une telle arme me montre maintenant qu’elle m’aimait encore un peu avant. Avant d’en arriver là. Pas moyen de me calmer pour réfléchir à un plan d’action. Comment sortir d’ici ? Sauver mes affaires et éviter ce monstre. Oui, ça peut paraître exagéré d’employer un tel mot pour un chat, mais c’est vraiment l’effet que ça me fait. Je me retrouve comme un petit enfant démuni face à ses peurs viscérales, paralysé par la vision de son cauchemar. Je crois qu’à un moment, j’ai insulté Claire à voix haute, même si elle n’était sûrement plus sur le palier. Je me sentais trahi, vraiment de la pire façon. Si elle avait ramené un rival, ça ne m’aurait pas fait aussi mal. J’ai éteint le four, parce que la tarte commençait à caraméliser. J’ai ouvert tout doucement la porte, il était sur le canapé lové sur un de mes pulls. J’ai senti la nausée monter dans un frisson glacé. J’ai couru jusqu’à la chambre et claqué la porte derrière moi. Très vite, comme si l’immeuble était en train de brûler, j’ai jeté dans un sac de voyage le principal de mes vêtements, mon argent, mes dossiers du boulot, ce dont je pouvais avoir besoin dans les prochains jours. Je lui ai fait peur en ressortant comme un fou et en claquant la porte à nouveau, le chat s’est enfui sous la bibliothèque, j’en ai profité pour passer à la salle de bain, prendre le strict nécessaire, de quoi changer mes lentilles, et j’ai enfilé mon manteau et ai claqué la porte de l’appartement sans la fermer à clefs. J’ai laissé les clefs à l’intérieur, la lumière allumée, la télé en marche, le chat quelque part dans le salon.
(merci à F.)
1 Vous avez toujours quelque chose à dire :
A 21/12/06 11:29, Anonym a eu le culot d'écrire
Mais c'est que j'etais devenue accro a cette petite serie, moi...
Joyeuses fetes de fin d'annee :o)
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