Il reste - cinquième partie
Ça fait cinq semaines que ça dure, je sais plus comment lui dire. C’est absurde. Je campe chez moi, dans mon propre appart’. Il dort dans ma chambre, dans mon lit et c’est moi qui campe, qui squatte, qui vis entre parenthèses. Il a essayé de me reconquérir plusieurs fois avec des cadeaux, des fleurs mais il ne comprend pas que c’est trop tard, qu’il ne peut pas acheter un changement, une décision contraire à celle que j’ai prise. Certains soirs, j’ai vraiment envie de le boxer, de le flanquer dehors à coups de pieds, de tout lui jeter dans la gueule, c’est lui qui me rend méchante à force. C’est pas compliqué pourtant. C’est fini, tu dégages. Je pouvais pas être plus claire. Oui, je sais. Je pourrais faire changer les serrures, mais c’est pas à moi de payer, de faire des démarches alors que je suis chez moi. Ça en devient pathétique de s’accrocher comme ça, à force, il me dégoûte, j’espérais qu’on pourrait rester amis, mais là je ne veux plus le voir, j’ai envie de tout brûler ce qui est à lui, qu’il comprenne, une fois pour toutes. Tant pis s’il pense que je suis folle, au moins ça lui fera peut-être peur et il se sauvera, et j’aurai enfin mon indépendance et un peu de solitude. Je veux juste me retrouver avec moi-même. Penser à moi et vivre un peu pour moi. Je pourrais aussi bien aller draguer le premier venu et le ramener à la maison, lui montrer qu’il gêne, mais je suis pas comme ça, enfin, j’en suis pas encore là, heureusement… Depuis lundi, je ne rentre que pour dormir, je mange dehors, je reste tard au bureau, je repousse au dernier moment l’heure de rentrer chez moi pour ne pas avoir à le croiser. Il a au moins compris ça et a arrêté de m’attendre dans le salon « pour parler ». Je ne sais plus comment lui dire. Je lui ai tout fait, les cris, les larmes, les menaces, c’est pas possible d’être comme ça… Et même ça, ça ne le fait pas fuir, me voir à bout, hystérique, non, il pense qu’il peut m’aider, que je traverse une mauvaise passe, mais c’est lui ma mauvaise passe… J’ai passé le week-end avec Samuel, celui d’avant chez mes parents, ils réagissent tous comme moi, pensent qu’il ne faut pas continuer cette histoire et trouvent ridicule voire puéril son acharnement. J’ai même cru que Samuel allait venir lui parler mais je l’en ai dissuadé. Ils ne se sont jamais trop appréciés avec Fred, je n’ai pas vu Samuel pendant des mois à cause de ça, j’ai pas envie que ça se transforme en règlement de compte, et puis je suis assez grande pour régler mes problèmes moi-même. Enfin, je commence à douter. Il est dans la chambre, il écoute sa musique sur sa chaîne, mais qu’il l’embarque et qu’il aille l’écouter ailleurs… Il essaye de me faire croire qu’il va partir pour me laisser du temps, c’est sa nouvelle stratégie, j’imagine. Je n’en crois pas un mot. Il a bien fait en sorte de laisser sur la petite table des journaux d’annonces immobilières, j’ai pas l’impression qu’il se bouge beaucoup. Il fait ses courses pour lui, a partagé les placards à vêtements, comme des vrais colocataires, mais ça m’énerve encore plus parce que je ne veux pas qu’il s’installe comme ça dans un nouvel équilibre qui semble lui convenir. Qu’est-ce qu’il espère ? Je ne lui parle plus, je ne le regarde plus. Je ne lui réponds plus. Je veux pas qu’on en arrive à se taper dessus, quand même, si on pouvait éviter d’en arriver là, de finir dans une histoire sordide de petit couple qui finit mal… c’est tout ce que je voulais éviter, mais c’est son comportement qui nous pousse vers une issue nulle. C’est bientôt Noël, à Noël je veux me faire ce cadeau : être enfin seule ici.
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